Auguste Borget 1808-1877

Auguste Borget, né à Issoudun le 25 août 1808 et décédé à Bourges le 25 octobre 1877, est un peintre français. Élève de Boichard père et de Théodore Gudin (peintre officiel de la Marine nationale), Borget débute au salon de 1836 où il accroche jusqu'en 1859 les œuvres réalisées au cours de ses voyages.

 

 

 Romain GUIGNARD - BALZAC et ISSOUDUN

 Les Amis    « AUGUSTE BORGET »

Les derniers mots de la dernière lettre de Balzac à Mme Carraud, celle qu'il lui écrivait de Russie en mars 1850, sont pour la charger de transmettre ses « souvenirs  au bon Borget » ! Nous avons là une preuve que, dans sa pensée, il ne séparait point les figures de ses deux amis d'Issoudun, liés dans son souvenir, par une affection de plus de vingt ans demeurée fidèle, en dépit des vicissitudes de la vie.
Auguste Borget, Zulma Carraud, Honoré de Balzac, ce fut une amitié à trois, comme il ressort de la correspondance des deux derniers où le nom du premier apparaît à chaque instant en tiers dans la familiarité des deux autres. Seulement comme nous n'avons pas de correspondanceentre Balzac et Borget ni entre Borget et Zulma Carraud, un des trois amis (et c'est Borget) se trouve repoussé au second plan et fait figure de... figurant à côté des vedettes. Nous estimons que Borget doit être ramené au premier plan dans la perspective des amitiés balzaciennes, d'autant que sa personnalité fait de lui une des figures issoldunoises les plus originales du XIXe siècle.
Des trois amis il était le plus jeune, étant né à Issoudun le 28 août 1808. Balzac était son aîné de neuf ans et Mme Carraud de douze. Appartenant à une famille de négociants aisés, il commença ses classes au collège d'Issoudun, qui devait au siècle suivant recevoir le nom de son illustre ami. Borget termina ses études au lycée de Bourges et se sentit très jeune une vocation de peintre. Sa vocation fut d'abord, c'est l'usage, contrariée par sa famille. Il rêvait d'être artiste : on le mit dans une banque ! Il y resta trois ans, sans doute jusqu'à sa majorité. Alors il s'émancipa et vint à Paris. C'était le temps où les Carraud habitaient Saint-Cyr. Borget fut par eux recommandé à leur ami Balzac. C'est ainsi du moins que nous imaginons les circonstances probables de leur première rencontre.
Le certain est que cette rencontre est antérieure à 1830 puisque, cette année-là, le 3 janvier, Balzac écrit à Mme Carraud qu'il a su par « Monsieur » Borget qu'elle avait été malade. A la fin de l'année il écrit encore : «...nous allons, M. Borget et moi, pour vous consulter sur notre affaire...». Quelle affaire ? Nous l'ignorons mais il importepeu : il suffit de remarquer que le monsieur indique des relations de fraîche date, d'autant que le Monsieur n'avait encore que vingt-deux ans ! Mais à partir de 1832, il n'est plus question sous la plume de Balzac que du « grand » Borget, ou du « bon » Borget, ou bien encore il dit « le » Borget, « notre » Borget, quand il parle de lui à Mme Carraud qui l'appelle de son côté «Auguste» en toute familiarité. En 1832, tandis que Balzac était à Nemours auprès de Mme de Berny, Borget s'occupait de régler à Paris quelques affaires d'argent de son ami. 

En 1833, nous trouvons Balzac et Borget installés fraternellement dans le même immeuble, le 1 de la rue Cassini à l'Observatoire, et le romancier, déjà célèbre, s'en félicite en termes enthousiastes. Il écrit à Mme Carraud : «Borget est maintenant, comme vous devez le savoir, rue Cassini. Je vous remercie bien de m'avoir donné un si bon ami. C'est une âme qui m'est toute fraternelle, pleine de ces délicatesses que j'adore, et j'espère bien être pour lui tout ce qu'il est pour moi». A quoi Zulma Carraud s'empresse de répondre : «Je suis heureuse de la douceur de vos relations avec Auguste; c'est une âme de choix, et une intelligence en progrès; vous pouvez compter sur lui plus que sur vous.» Et un peu plus tard : « N'est-ce pas qu'Auguste comprend l'amitié et ne lui manque jamais ? C'est bien l'homme que je vous avais dépeint ; il sait vous aimer, lui; comme moi, il écarte votre fascinant esprit et s'attaque à mieux encore; aussi lui et moi vous entourerions encore de nos tendresses, quand bien même une congestion cérébrale viendrait à vous annuler». En 1833, Borget voyageait en Suisse, quand Balzac se rendit à Neuchâtel afin d'y rencontrer pour la première fois Mme Hanska, la mystérieuse «Étrangère». On ne sait comment il se fit, mais toujours est-il que «le» Borget fut alors présenté à la famille Hanski, sans doute comme le meilleur ami de Balzac et dorénavant son nom paraîtra aussi dans les « Lettres à l'Étrangère». « Je t'envoie — écrit Balzac à son Ève adorée — je t'envoie un bout de lettre de cet excellent ami; elle te fera plaisir ; tu y verras cette noblesse d'âme, cette beauté de sentiment qui fait que nous nous aimons. Quel élan de cœur il a vers ceux qui aiment son ami ! Ne va pas trop l'aimer au moins, Madame !
Peu après, en août 1834, Balzac lui-même atteste que ses deux meilleurs amis à cette époque lui ont été donnés par Issoudun. Il écrit : «Vous (Mme Hanska), vous êtes la seule personne, Borget et la dame du Berry exceptés, chez qui j'ai trouvé cette amitié vraie». Cet élan de cœur de Borget envers «ceux qui aimaient son ami», Balzac avait pu le constater par l'intérêt que le « bon» Borget portait à Mme de Berny. Nous savons par Mme Carraud que «la Dilecta» était «un des cultes d'Auguste» et qu'il était très affecté de la savoir souffrante. A la fin de juillet 1835, Balzac se trouvant à la Bouleaunière près de Nemours, auprès de son ange gardien» qui se mourait lentement, confiait sa douleur intime à son cher confident : «Oh ! mon bon Auguste, je vous écris les yeux pleins de larmes...». Et Borget de son côté dans une lettre que l'on suppose de juin 1836 : «Cher ami, je partage tous vos chagrins et la maladie de cette sainte dame m'a plongé dans le deuil».
Cette amitié si intime, si confiante, fut non pas rompue mais interrompue, dans ses manifestations, lorsqu'en 1836 au mois d'octobre, Borget partit... pour faire le tour du monde.
Il avait l'humeur vagabonde. Peintre, plus souvent qu'à l'atelier, on le trouvait en voyage, en Suisse, en Italie, ou bien chez ses amis Carraud, à Angoulême, à Frapesle, vivant au gré de sa fantaisie. A 28 ans, il conçoit l'idée de quitter l'Europe et malgré les représentations de ses amis, Balzac en tête et Mme Carraud, il s'embarque au Havre pour entreprendre un immense périple.
En un peu plus de quatre ans il fit le tour de la «machine ronde» suivant un itinéraire établi, semble-t-il, au hasard des occasions. Il reparut en France en décembre 1840, rapportant une foule de dessins d'après nature, esquisses et croquis qui lui permirent à son retour de faire figure dans la spécialité de peintre «orientaliste».
En ses deux «salons» de 1845 et 1846, Charles Baudelaire parle avec une certaine estime des envois de notre compatriote.
Sans être un peintre de premier ordre... dit de lui le critique-poète. Achevons ainsi la phrase : Borget avait un talent solide et sérieux. Il le manifeste surtout dans ses dessins d'après nature qu'il utilisa ensuite non seulement pour ses tableaux mais aussi pour l'illustration d'albums lithographiés et d'ouvrages de librairie. 

Le plus important de ces albums est intitulé : La Chine et les Chinois, et dédié à S. M. Louis-Philippe 1er, roi des Français. Balzac le recommanda au public, par des articles de «La Législature» parus en octobre 1842 et dans lesquels il souligne plaisamment cette singularité d'un Issoldunois globe-trotter. «Un Français en Chine ! artiste ! un observateur ! Qui est-ce ? Ah ! Voilà !... C'est un garçon parti de la contrée la plus immobile et la moins progressive de France, un peintre de paysage, né àIssoudun, en plein Berry... etc.». Dans son article, Balzac loue plutôt le style de l'auteur que la valeur de ses dessins, et nous mène dans une causerie à bâtons rompus. On sent qu'il l'a écrit par complaisance, sans beaucoup de conviction. Nous savons par ailleurs que l'appréciation de Balzac sur le talent de son ami avait beaucoup varié. Au début de leur liaison, il pressentait en lui un grand artiste, mais après le grand voyage, le ton s'est bien rafraîchi : et J'ai bien peur qu'il n'ait pas de génie, et nous avons tant de talents qu'un de plus ne peut pas être remarqué». Balzac parlera même un jour de ces t détestables tableaux chinois que Louis-Philippe achète».
Ces appréciations n'ont pas de rapport avec la sympathie qui assure l'amitié. Cependant à propos de cette amitié entre Balzac et Borget on s'est posé la même question qu'à l'égard de Zulma Carraud. Celle d'un certain refroidissement à partir des années 35-40. Et s'il n'est pas difficile d'en découvrir des signes, il ne serait pas malaisé non plus de trouver des signes du contraire. Sans doute on observe un ralentissement dans les manifestations de l'amitié mais ne peut-on l'expliquer que par des raisons sentimentales ? En amitié (comme en amour) on ne doit point s'étonner que le rythme de l'âge mûr ne se maintienne pas aussi vif que celui de la jeunesse, dans ses manifestations. Les préoccupations de chacun, à mesure que l'on avance en âge, augmentent en nombre, en complications et vont en des sens de plus en plus divergents. Alors les liens se distendent. C'est normal. C'est la vie. En 1845, Balzac écrivait à Mme Carraud : «Chère, Et vous ne m'écrivez plus, ne fût-ce que tous les trois mois !... Borget ne vient pas me voir une fois par an!... On dit Yvan un beau garçon; et Borget ne me l'a pas amené !». Le ton de ces tendres reproches n'est pas celui d'une amitié ancienne, vidée de sa substance, et nous avons vu déjà que peu de temps avant sa mort, Balzac portait toujours dans l'intime de son cœur le souvenir de ses deux amis d'Issoudun.
A chacun des deux il avait dédié un récit de la Comédie humaine. En tête de la nouvelle qui a pour titre la Messe de l'athée, Balzac a écrit : «Ceci est dédié à Auguste Borget par son ami, de Balzac». En tête de la Maison Nucingen, datée de Paris, novembre 1837, on lit : «A Madame Zulma Carraud. N'est-ce pas vous, Madame, dont la haute et probe intelligence est comme un trésor pour vos amis, vous qui êtes à la fois pour moi tout un public et la plus indulgente des sœurs, à qui je dois dédier cette œuvre ? Daignez l'accepter comme témoignage d'une amitié dont je suis fier. Vous et quelques âmes, belles comme la vôtre, comprendront ma pensée en lisant la Maison Nucingen accolée à César Birotteau. Dans ce contraste n'y a-t-il pas tout un enseignement social ?  de Balzac».
 
Peintures et dessins d'Auguste Borget  (cliquez sur l'image pour l'agrandir et faites défiler)

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