"Je ne veux pas, je n'ai jamais voulu de cette amitié charmante que vous offrez aux femmes qui, sous mille rapports, valent mieux que moi. Je prétends à un sentiment plus élevé. Il faut que vous m'estimiez assez pour me mettre en réserve, pour ainsi dire; et si quelque mécompte vient troubler votre joie, si quelque déception froisse votre cœur, vous m'évoquerez alors, et vous verrez comme je saurai répondre à cet appel."

Ainsi Madame Zulma CARRAUD définissait cette noble et pure affection qu'elle voua passionnément, pendant près de trente année, à Honoré de Balzac.

Dans le cortège féminin de Balzac, cette femme, qui fut une amie et rien qu'une amie, mérite une place à part, une place de choix, car sa pure et ardente amitié avait la puissance d'un amour.
                                                                                                                                             Marcel BOUTERON


par Thierry BODIN
Président Honoraire des Amis de Balzac
avec sa très aimable autorisation.

Le 24 mars 1796, naissait à Issoudun dans l'Indre Estelle-Zulma Tourangin, fille de Rémi Tourangin et de Françoise-Élizabeth Courant, son épouse. Arrêtons-nous quelques instants pour évoquer l'étonnante figure de son père. Ayant fait fortune dans la mercerie et la draperie, il devint propriétaire. Fondateur de la loge maçonnique des Sectateurs de la Vertu, libre-penseur et voltairien enragé, il sut toujours, en politique comme en affaires, pratiquer avec habileté l'opportunisme, tout en gardant son fier, caractère.

  Un rapport nous le montre "tellement attaché à la Révolution qu'il a vendu son propre patrimoine pour acheter des propriétés nationales": il acheta ainsi de nombreuses terres et maisons, dont l'ancien couvent des Minimes et la locature de Frapesle. C'est ce que fait à Saumur le père d'Eugénie Grandet.
Capitaine de la garde nationale, conseiller municipal, se piquant d'urbanisme, dotant Issoudun de sa première pompe à incendie, il sut être bon pour les malheureux, à qui il donnait du travail sur les routes et les chemins.
Mais il traversa trop bien ainsi la Révolution et l'Empire, pour ne pas inquiéter, en 1815. Le sous-préfet, M. de Mésillac, écrit alors au préfet : "Le maintien à la place de 1er adjoint du sieur Tourangin indispose et inquiète beaucoup de monde. Cette famille est très dangereuse, elle se popularise et conserve son influence sur le peuple".
En 1816, on le raye donc de la liste municipale.
Rémi Tourangin se retire alors dans sa propriété de Frapesle. Il l'embellit, y crée un ravissant jardin anglais, sillonné par les eaux de la Théols, qui s'y répandent en ruisseaux et cascades, et lui donne le nom de Tivoli. Il organise là des fêtes, où sont conviés tantôt les enfants, tantôt les vieux soldats républicains, tantôt toute la population d'Issoudun.
Éloigné du pouvoir, il ne cache pas ses opinions, et les exprime avec toute sa verdeur, toute sa force d'esprit.

C'est sa fille Zulma qui le décrira à Balzac, en 1833 : "Quoique depuis ses 82 ans, il se soit fait juste milieu (...) il abhorre les Bourbons. C'est pour lui ce qu'est le blanc pour le nègre. Mon père est de 1751 ; il est roturier et l'insolence de la noblesse est toujours irritante dans son cœur. Il a adoré l'Empereur, parce que lui, mon père, est despote, mais grand et noble (...) et que Napoléon avait établi la plus véritable égalité. Sous la Restauration, il a été d'une opposition forcenée; il adore Louis-Philippe parce que ses forces ne suffisent plus à l'opposition." 

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