Page 18 - PetiteJeanne
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--Oh si! oh si! dit vivement la petite fille; je vais lui en acheter une; de quelle étoffe, maman?

--Il faut prendre le jupon en droguet bleu; c'est fort solide, et le corsage en bonne cotonnade doublée.

--Moi, dit Sophie, la soeur d'Isaure, qui avait quatorze ans, je donnerai une jupe de dessous en flanelle
rayée blanc et noir, et un corset de nankin.

--Et moi, que donnerai-je donc? dit Auguste.

--Mon frère, tu as une cravate noire qui est tranchée au milieu, dont les bouts sont tout neufs; ma
bonne en fera un bonnet à Jeanne, et tu achèteras de la dentelle noire pour le garnir.

--Il ne me reste plus à donner que la chemise, le fichu et le tablier,» dit en souriant Mme Dumont.

Quand ils furent arrivés à la maison, les enfants racontèrent à leur père ce qu'ils voulaient faire pour
Jeanne.

«Tout cela est très-bien, dit M. Dumont; mais je vois que personne n'a pensé aux souliers. Vous
habillez complètement cette petite, et vous la laissez nu-pieds!

--C'est pourtant vrai! dirent les enfants. Papa, il faut que vous donniez les souliers, pour que rien ne lui
manque.»

On s'occupa le jour même d'acheter et de couper les vêtements de la petite Jeanne, afin de pouvoir les
lui donner le vendredi suivant; il n'y avait plus que quatre jours, il ne fallait pas perdre de temps. Isaure
fit les ourlets, pendant que sa mère, sa soeur et la bonne faisaient les coutures. Quand tout fut fini, la
bonne dit:

«Mesdemoiselles, vous croyez avoir pensé à tout; il me restera pourtant quelque chose à donner aussi,
et, quoique je ne sois pas riche, je veux prendre part à la bonne action que vous faites. Vous avez
oublié le mouchoir et le serre-tête! j'en donnerai des miens.»

                                   Isaure habille la petite Jeanne.

Le vendredi, Isaure s'éveilla plus tôt qu'à l'ordinaire; le coeur lui battait bien fort en pensant au plaisir
qu'elle allait faire à la petite Jeanne. Longtemps avant le déjeuner, elle était à la grille, que son frère lui
avait ouverte, et à chaque instant elle allait sur le chemin pour voir si Jeanne arrivait. Enfin, elle parut
au bout de l'avenue: Isaure alla au-devant d'elle et la prit par la main; elle l'amena toujours courant
dans le jardin, puis dans la maison, puis dans sa chambre. Quand elles y furent entrées, Sophie et la
bonne déshabillèrent l'enfant et lui mirent sa chemise neuve et le reste de ses habits. On la coiffa; mais,
quand il fallut lui mettre ses souliers, on s'aperçut qu'il manquait des bas.

«C'est un petit malheur, dit la bonne; mesdemoiselles, il faudra lui en tricoter; comme il fait grand
chaud, elle s'en passera bien d'ici à ce que vous lui en ayez fait. D'ailleurs, je crois bien que la pauvre
petite n'en porte pas souvent.

--Oui! oui! dit Isaure, je vais commencer dès demain à lui en faire une paire; le voulez-vous, dites,
maman? ajouta-t-elle en s'adressant à Mme Dumont, qui venait d'entrer dans la chambre.

--Certainement, mon enfant; si tu emploies bien ton temps, tu les auras finis dans quinze jours.»

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