Page 10 - PetiteJeanne
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--Madame, c'est Jeanne, ma petite fille, qui l'a vu reluire au soleil et qui l'a ramassé au bord du fossé
sur la route.

--Je vous remercie de me l'avoir rapporté, et voici quinze francs pour vous récompenser de votre
probité.

--Oh! merci, madame: je n'ai fait que mon devoir en vous rendant ce qui vous appartient; je ne dois pas
en être récompensée.

--Eh bien! comme vous m'avez fait un grand plaisir, je veux vous en faire un aussi: prenez donc cet
argent.

--Que Dieu vous bénisse, madame, pour le bien que vous me faites!

--Mais, dites-moi: il me semble que je ne vous ai jamais vue dans ce pays-ci? Pourquoi mendiez-vous
donc, étant encore dans la force de l'âge?

--C'est que, madame, j'y suis forcée par ma grande misère.»

Alors elle raconta son malheur et la charité de la mère Nannette. «Catherine, vous enverrez votre petite
fille ici tous les vendredis, et je lui donnerai une pièce du cinquante centimes.

--Que Dieu vous récompense, madame!»

Et Catherine, ayant pris sa fille par la main, sortit pour retourner chez la mère Nannette.

En entrant, elle lui présenta les trois pièces de cinq francs qu'on lui avait données:

«Prenez-les, mère Nannette; ça vous dédommagera un peu; car il n'est pas juste que vous me logiez
pour rien si je puis vous donner quelque chose.

--Vous savez bien, Catherine, que je ne veux rien accepter pour cela; ce n'est pas une grande gêne pour
moi de vous avoir dans ma maison, qui peut nous loger toutes les deux; mon feu peut faire bouillir
votre pot en même temps que le mien. Mais donnez-moi votre argent; je vous le garderai pour acheter
ce qui vous sera nécessaire.»

                                    Catherine va dans son village.

Après s'être reposée tout le reste de la journée, Catherine se coucha de bonne heure. Le lendemain elle
éveilla Jeanne de bon matin; elle l'habilla et lui lava les mains et le visage; puis, après lui avoir fait
faire sa prière, elle lui dit:

«Ma fille, il faut que j'aille à notre village pour prier maître Guillaume de m'amener ici notre pauvre
mobilier. Je ne peux pas t'emmener, tu es trop petite pour faire tant de chemin; tu ne marcherais pas
pendant trois lieues de suite. Si la mère Nannette, qui est une brave femme, veut bien te garder avec
elle pendant ce temps-là, j'irai trouver maître Guillaume, et tu m'attendras ici; je coucherai dans sa
grange, et demain de bonne heure je serai de retour.»

La petite Jeanne pleura un peu; mais, quand elle eut considéré la bonne figure de la mère Nannette, elle
dit qu'elle voulait bien rester; Catherine partit, et Jeanne, s'approchant tout doucement de la mère
Nannette, lui dit:

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